Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/256

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Le premier livre de l’ouvrage est d’ailleurs celui que je préfère. L’auteur y semble plus libre, et y applique avec plus de discrétion son système historique. J’aime à l’entendre parler de la grandeur des institutions romaines. Ici l’avenir est le fruit du passé ; le présent travaille à garder et à augmenter, s’il est possible, les trésors de ce passé. Dès ses premières lois, Rome fonde sa puissance future. La République naît naturellement de la royauté, la conquête de l’Italie et des contrées environnantes naît de la République. Jamais peuple n’a su conquérir et conserver à ce point. Les législateurs, les administrateurs ont ici fait plus que les soldats. Le monde romain a ceci de grandiose qu’il ne contient, à un certain moment, qu’une seule famille. Sans doute, chaque chose porte sa mort en elle ; l’homme, dans la pleine santé, a en lui les germes de la maladie qui le tuera. Dès la seconde guerre punique, l’esprit romain perd de sa pureté républicaine et de sa tranquillité puissante et forte. Les éléments de dissolution se développent, le corps entier est ébranlé. Les institutions n’ont plus la même efficacité, la folie des conquêtes s’empare de la nation, qui risque sa liberté en menaçant celle des autres peuples. Les Gracques ne font qu’aggraver les désordres, en voulant tout sauver. Marius et Sylla, par leur rivalité, portent le dernier coup à l’État, et c’est alors, selon l’auteur, que « l’Italie demandait un maître ».

Il faudrait s’entendre sur ce maître que demandait ritalie. C’est là le point délicat de la question. J’accorde