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nos sculpteurs m’ont donné une si triste idée, paraîtra sans doute peu respectueuse, et l’on m’accusera d’avoir l’âme bien basse et l’intelligence bien étroite. Je ne puis me changer. Je suis fou de réalité, et je demande à toute œuvre, même à une œuvre historique, la vérité humaine, la vérité des passions et des pensées.

La préface de l’Histoire de Jules César n’a été faite que pour amener les lignes suivantes, elle se résume tout entière dans ce paragraphe : « Ce qui précède montre assez le but que je me propose en écrivant cette histoire. Ce but est de prouver que, lorsque la Providence suscite des hommes tels que César, Charlemagne, Napoléon, c’est pour tracer aux peuples la voie qu’ils doivent suivre, marquer du sceau de leur génie une ère nouvelle et accomplir, en quelques années, le travail de plusieurs siècles. Heureux les peuples qui les comprennent et les suivent ! malheur à ceux qui les méconnaissent et les combattent ! Ils font comme les Juifs, ils crucifient leur Messie : ils sont aveugles et coupables ; aveugles, car ils ne voient pas l’impuissance de leurs efforts à suspendre le triomphe définitif du bien ; coupables, car ils ne font que retarder le progrès, en entravant sa prompte et féconde application. » Voilà des paroles catégoriques, sur le sens desquelles il n’est pas permis d’hésiter ; elles sont à elles seules grosses de tempêtes, et je suis certain qu’elles seront les plus critiquées du livre, dont elles renferment, d’ailleurs, toute la pensée. Moi, je les aime pour leur hardiesse. Elles vont carrément au