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ingénieuses, des fantaisies philosophiques finement paradoxales, il y a des histoires où le terrible et l’étrange ont une grande allure d’un effet saisissant et profond. Toutefois, dans ce domaine de l’imagination pure, l’œuvre, pour être vraiment remarquable, demande des qualités supérieures. Je suis loin de nier le talent d’Erckmann-Chatrian en ce genre difficile, et je reconnais même qu’il est un des rares écrivains qui ont réussi de nos jours le conte fantastique. Mais comme il a écrit ensuite des pages meilleures et plus personnelles, il est permis au critique de passer rapidement, sans grands éloges, sur ces œuvres de début qui, certes, ne promettaient pas les récits historiques publiés plus tard. Je ne puis analyser aucun de ces contes très courts et très nombreux, dont quelques-uns, je le répète, méritent de fixer l’attention. Nos fils les liront avec plaisir, surtout parce qu’ils sont de l’auteur de Madame Thérèse.

Les Confidences d’un Joueur de clarinette se composent de deux récits : la Taverne du Jambon de Mayence et les Amoureux de Catherine. Ici j’admire, je ne puis mentir à mon émotion, à la saine et douce sensation qui me pénètre. Ce sont deux nouvelles, si discrètes et si naïves, que je n’ose y toucher, crainte d’en faner les couleurs et d’en dissiper les parfums. L’une est l’histoire d’un pauvre diable de musicien qui aime et qui perd son cher amour. L’autre, peut-être plus pénétrante encore, est le récit des tendresses d’un jeune maître d’école pour la belle Catherine, la riche cabaretière. Au dénoûment, Catherine