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rardin aurait pu être mieux équilibrée ; certaines scènes auraient gagné à être plus courtes ; des détails manquent, des détails sont de trop. J’accorde tout cela, mais là n’est pas la question. Le drame existe-t-il ou n’existe-t-il pas ? Comment se fait-il que vous, gens d’expérience qui prétendez connaître les roueries du métier, vous donniez tant d’importance à de simples questions de facture ? Cherchez l’idée, voyez si elle est dramatique, ne venez pas dire que le drame n’est qu’un fait-divers, attendu qu’un fait-divers peut parfaitement être un drame complet. Le talent, pour vous, consiste à rendre ce fait-divers scénique ; il consiste pour moi à choisir, à inventer le fait-divers, à prendre le sujet le plus puissant et le plus humain, et à jeter bravement ce sujet sur la scène, avec maladresse peut-être, mais avec énergie et volonté ? Nous avons assez de faiseurs habiles, pour souhaiter un maladroit qui sache créer.

Ce Donzac, cette Louise Campbel, les deux personnages secondaires qui ont déplu, ne sont certainement pas meilleurs que les personnages secondaires des pièces applaudies, mais ils ne sont pas plus mauvais. Quant au dénoûment, il a égayé le public ; ces morts fatales ont paru prodigieusement comiques. Quant à moi, j’avoue que les deux coups de pistolet me contentent pleinement. Le quatrième acte était inutile, et l’auteur a bien fait de le supprimer. Toute la pièce marche au meurtre et au suicide de la fin ; les règles, je crois, ne prescrivent pas autre chose ; un dénoûment n’est jamais que le résultat nécessaire