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la prospérité, la grandeur de la France par son merveilleux système de montagnes et de fleuves ; les montagnes y répartissent admirablement les eaux, les fleuves font d’une immense vallée une seule cité, selon le mot de Napoléon, qui disait que, de Paris au Havre, il n’y avait qu’une ville, dont la Seine était la grande rue. Les villes, d’ailleurs, ne sont pas jetées à l’aventure ; l’auteur montre qu’elles devaient être fondées où elles s’élèvent. Il nous donne ainsi un tableau raisonné de la France intérieure, cherchant dans la conformation du sol l’explication des faits, ou du moins tâchant de nous dire dans quelle mesure la scène a agi sur les établissements et sur les actes des personnages. On peut affirmer, sans crainte d’avancer un paradoxe, que, si la scène avait été autre, l’histoire aurait également changé en grande partie.

L’écrivain étudie ensuite les frontières : les Pyrénées, ces murs de granit « qui font que Berlin, Varsovie, même Saint-Pétersbourg, sont plus près de nous, malgré l’éloignement, que ne l’étaient naguère Saragosse, Madrid ou Grenade ; » les Alpes, tout aussi hautes et implacables, mais percées de nombreuses portes, montagnes géantes qui séparent à peine « la France et l’Italie, deux sœurs s’il y en eut jamais parmi les nations ; » le Jura, autre muraille inexpugnable, et cette plaine de malheur qui va de Lauterbourg à Dunkerque et qui a laissé passer toutes les invasions ; enfin, la longue ligne de nos côtes, du Var aux Pyrénées et de l’Adour à Dunkerque, les rochers d’Antibes, les bords terribles des golfes du Lion et de