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mœurs, la civilisation du pays, et alla créer ailleurs une nationalité faite des débris de cette civilisation. C’est ainsi que nos sociétés modernes, en matière de philosophie religieuse, appartiennent encore à la nation qui vivait sur les bords du Nil, ily a trois mille ans.

Ramsès le Grand régna en conquérant et en législateur. Il soumit les peuples voisins et disciplina le sien. Il couvrit l’Égypte de constructions géantes pendant les longues années de son règne et mourut plein de gloire et de tristesse, devant sa grande œuvre que personne ne continuerait.

Je ne saurais suivre M. de Lanoye dans l’histoire courte et serrée qu’il a faite du grand roi. Il y a certainement là de longues recherches, une étude patiente et consciencieuse des documents. Je n’ai pu rapporter de cette lecture qu’une impression générale et personnelle. J’ai lu le livre avec la pensée d’y trouver au moins un des mots de l’énigme embrouillée que nous pose ce désert silencieux, encombré des ruines de villes muettes et mystérieuses. Sans doute, je ne suis guère plus savant aujourd’hui ; mais j’ai eu plaisir à étudier le problème avec un esprit droit et juste, qui expose clairement le résultat des travaux modernes sur l’Égypte.

Le Nil coule paisiblement dans le silence des ruines, et le bruit de ses flots, qui nous content peut-être l’histoire du passé, n’a pas encore été compris. On a tant bien que mal reconstruit les cités écroulées et on a essayé d’emplir les rues des foules mortes. Mais le ressort intérieur, le mécanisme secret de ce peuple