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À Athènes, on trouve, au contraire, la véritable femme grecque ; là, l’épouse est muselée, le sérail existe presque ; ce n’est plus une marchandise, c’est encore un meuble qui doit rester chez lui sous peine de se détériorer. Lorsque la vie active est arrêtée, lorsqu’on étouffe l’intelligence, lorsqu’on force une créature à se croiser les bras, il y a sûrement chez cette créature des heures de folie, des moments où elle échange sa tranquillité contre ce que la débauche a de plus monstrueux. Les bacchanales naissent directement de la réclusion. D’autre part, l’hétaïre tua la femme légitime, l’amante l’emporta sur l’épouse, de toute sa beauté et de toute son intelligence. Les Grecs n’avaient pas de foyers ; ils possédaient au logis une machine à reproduction, niaise et lourde, qui était là pour leur donner des enfants ; ils avaient au dehors des amantes, toutes blanches et toutes lumineuses, belles et savantes, dont la mission était de les charmer et de les retenir près d’elles. Changez ces amantes et ces machines de lieu, mettez l’épouse dans la rue et l’hétaïre au foyer, et chaque foyer deviendra un centre, la famille se constituera, la société sera plus grande et plus forte.

À Rome, l’histoire est la même. L’homme, comme en Grèce, y tient la femme pour une erreur de la nature. Il l’accepte à titre de compagne, parce qu’il ne peut faire autrement, et il se hâte de lui témoigner sa haine et son mépris. Cependant, il y a progrès ; la matrone est plus libre. Mais toutes les grâces et toutes les séductions d’Athènes passent la mer, et Messaline