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l’étude du vrai doive le grandir, qu’il se hâte de rendre son talent plus solide et plus profond, et il gagnera en génie ce qu’il aura gagné en réalité.

Tel est le jugement d’un réaliste sur l’idéaliste Gustave Doré.

J’ai encore des éloges à donner. Un autre artiste s’est mis de la partie et a enrichi la Bible d’entre-colonnes, de culs-de-lampe et de fleurons d’une délicatesse exquise. M. Giacomelli n’est point précisément un inconnu : il a publié, en 1862, une étude sur Raffet, dans laquelle il a parlé avec enthousiasme de ce dessinateur, d’une vérité si originale ; cette année même, il a illustré d’une façon charmante un livre de M. de la Palme. Il y a un contraste étrange entre la pureté de son trait et la ligne fiévreuse et tourmentée de Gustave Doré. Ce ne sont là, je le sais, que de simples ornements, mais ils témoignent d’un véritable sentiment artistique plein de goût et de grâce. Je voudrais le voir faire son œuvre à part. Le grand visionnaire, l’improvisateur, qui a déjà parlé la langue de Dante et de Cervantes, qui parle aujourd’hui la langue de Dieu, l’écrase de toute la tempête de son rêve.