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était livide, ses yeux hagards, et qu’il avait dit  : « Je l’ai vu, et j’ai signé le pacte ! »

Toutes ces choses avaient fait regarder Rivière comme un idiot, et l’avaient rendu le jouet de la paroisse. Les gens du peuple comprennent rarement les infirmités morales ; il faut une douleur apparente pour émouvoir leur compassion, et là où il n’y a ni sang ni plaie, ils en raillent cruellement. Pierre, poursuivi par les moqueries, froissé dans ses bizarreries, c’est-à-dire dans ce qu’il y avait de plus intime en lui, devint chaque jour plus sauvage : il cessa de parler aux autres jeunes paysans, se mit à fréquenter les bois, et ne se rendit plus que seul à l’église, évitant même de suivre pour cela les routes frayées.

Cette solitude exalta son imagination déjà en ferment ; car l’idiot Pierre Rivière, dont les hommes se moquaient au village,