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plus et l’éditeur et l’auteur ont assisté à un écoulement régulier. Sans doute, le fort de cet écoulement s’est opéré et s’opère encore en France même ; néanmoins un appoint non à dédaigner a été fourni par les pays étrangers. Mon dictionnaire s’est répandu auprès et au loin ; et d’Angleterre en particulier me sont venues des appréciations qui m’ont été fort sensibles. Je ne noterais pas cette circonstance, si elle n’attestait que l’intérêt excité par notre langue dans les deux derniers siècles, que dis-je ? dans le haut moyen âge, alors que notre littérature jouissait déjà de la faveur de l’Europe, ne s’est pas perdu, et que non seulement en vue de nous-mêmes, mais aussi en vue des étrangers, nous devons avoir souci de notre parleüre (c’est le mot de nos aïeux) ; car noblesse oblige.

Mon dictionnaire ne s’est terminé tout à fait qu’à la fin de ma soixante-onzième année. Plus j’avançais dans la vieillesse, plus ma témérité devenait grande, et plus ma chance diminuait de mettre moi-même la dernière main à mon œuvre. Ma témérité a eu le dessus. J’en ai été félicité par un de mes collègues et amis, M. Laurent-Pichat, qui soutint mes efforts et aida mon labeur. Les expressions dont il s’est servi ont excité en moi le scrupule de les transcrire ; mais je prie mon lecteur, qui certainement partagera ce scrupule, d’oublier la forme pour ne considérer que le fond « Un homme illustre de notre temps, a dit M. Laurent-Pichat en un discours prononcé à la distribution prix du lycée Charlemagne, le 5 août 1879, dont l’héroïsme moral est devant nous comme un grand exemple, entreprit une tâche immense, sans songer aux jours que cette vie lui réservait. Il commença son œuvre