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la vie d’Auguste Comte. Heureusement je m’arrêtai à ce dernier parti. L’autre aurait été désastreux ; il eût allongé d’un an entier le temps déjà si long de l’impression, et ajourné, au lieu de la fin de 1872, la terminaison à la fin de 1873. Un tel retard se fût fait sentir cruellement à un vieillard alors à bout de force et de santé.

Ainsi décidé, j’interrompais à minuit le dictionnaire, et de minuit à trois heures je prenais en main la vie d’Auguste Comte. Ces trois heures matinales (car le jour astronomique commence à minuit), prélevées régulièrement sans manque pendant un an environ, et jointes à ce que je pouvais grappiller çà et là de moments, suffirent en 1863 le volume fut prêt. Durant cet intervalle, je gagnai un peu moins sur l’imprimerie pour le fait du dictionnaire, voilà tout. L’achèvement de ma refonte ne fut retardé que de quelques mois, ce qui, en définitive, ne compte guère ni pour moi ni pour le dictionnaire. Mais on croira sans peine que je me sentis grandement soulagé quand j’eus atteint le terme de cette rude opération et que je fus sans inquiétude sur la double issue, celle du livre relatif à Auguste Comte et celle de la refonte. Le résultat prouva que Mme Comte n’avait pas trop présumé de mon dévouement et, quand je fus hors de la fournaise, je m’applaudis de ce qui était fait : le payement de ma dette de disciple avait été exigé, et je l’avais payée.

Mon assiduité permanente au travail, ne se laissant détourner par aucune distraction ni par aucune fatigue, fut récompensée, et en 1865, je pus inscrire sur un dernier feuillet « Aujourd’hui j’ai fini mon dictionnaire. » Mon collaborateur aussi infatigable que moi, M. Beaujean, qui est en même temps un