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l’imprimerie. Tous les auteurs ne se comportent pas de la même manière à l’égard de la copie. Quelques-uns la livrent telle qu’elle doit demeurer ; elle est du premier coup achevée et aussi parfaite que le veut le talent de chacun ; l’épreuve ne reçoit d’eux que des corrections typographiques ; ils sont la joie du metteur en pages, n’occasionnent ni remaniements ni retards. Auguste Comte et Armand Carrel, parmi ceux que j’ai vus travailler, ont été des modèles en cette manière de faire : tout était si nettement arrêté en leur esprit, qu’ils ne changeaient plus rien ni à la pensée, ni au tour, ni à l’expression. D’autres ne voient dans l’épreuve qu’un brouillon taillable et raturable à merci, et ils le taillent et le raturent ; une nouvelle épreuve arrive, nouvelle occasion de recommencer le travail de la correction, et ils ne parviennent à se satisfaire qu’au prix de plusieurs épreuves et des malédictions du typographe. D’autres enfin tiennent le milieu : ils ne sont ni aussi arrêtés que les premiers, ni aussi flottants que les seconds. J’étais de cette dernière catégorie, avec tendance pourtant à laisser sortir de mes mains une copie non suffisamment préparée. Mais, un jour que sur une épreuve j’avais beaucoup effacé et remanié, M. J.-B. Baillière, qui fut pour mon Hippocrate ce que M. Hachette fut pour mon Dictionnaire, me fit observer que ces ratures et ces remaniements étaient un travail perdu, ennuyeux à l’imprimeur, coûteux à l’éditeur, et qu’il serait préférable pour tout le monde d’achever davantage la copie, et de réserver les remaniements aux cas indispensables. Le raisonnement me parut sans réplique et, comme je suis corrigible, ayant de bonne heure compris qu’il était peu sage de répondre