Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feuilleté sans relâche et pour qui je suis reconnaissant comme s’il était là me prêtant l’oreille. Je n’ai pas l’outrecuidance de me comparer à eux. Leur tâche, d’ailleurs, n’a pas été la même que là mienne ; car ils se sont occupés de langues mortes où tout est clos, et moi, j’ai eu affaire à une langue vivante où tout demeure ouvert. Quoi qu’il en soit de cette différence, ils ne nous ont pas dit comment ils s’y sont pris pour composer leurs Trésors. Je serai moins discret, et, au risque de faire penser à mon lecteur que je suis moins modeste, plus personnel ou, selon l’expression des Anglais, plus égotiste, je continue ma narration lexicographique.

Je prononçai donc la clôture de la récolte des exemples. Ils étaient écrits sur de petits carrés de papier, portant chacun le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage, la page ou le chapitre. Chaque écrivain formait un paquet de ces carrés, déjà rangés alphabétiquement. Cela dut être transformé en un arrangement alphabétique général. Cette besogne toute matérielle, dont je me chargeai, m’occupa pendant plus de trois mois plusieurs heures par jour. Oh peut juger par là combien la masse en était considérable. Je l’admirai vraiment, non sans quelque secret effroi, quand je la vis si grosse dressée devant moi. Mais ma peine commençait à être récompensée ; car, en ce tas de petits papiers, je possédais, sous un état informe, il est vrai, le fonds des autorités de la langue classique et le fonds de l’histoire de toute la langue.

J’ai, dans la préface de mon dictionnaire, donné le tableau et l’explication du mode selon lequel j’ai traité chaque mot en particulier, et de l’ordre constant que j’ai suivi en ce traitement, de façon que