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nouvelle besogne qu’il fallait introduire dans le cadre de la journée, et je laissai de côté des engagements dont le souvenir venait parfois me causer de désagréables sursauts.

Cette torpeur, qui n’avait que trop duré, M. Hachette m’en tira en me sommant de commencer. On sait que parfois, pendant le sommeil, des idées qui nous ont occupés la veille s’élaborent inconsciemment ; de même, pendant ce trop long sommeil de notre projet, ses idées et les miennes s’étaient modifiées, et il me proposa d’annuler l’ancien traité, d’en conclure un autre et de donner au travail un nouveau titre, le titre de Dictionnaire étymologique, historique et grammatical de la langue française. On y remarquera l’adjonction d’historique. C’était là, en effet, depuis que je considérais mon projet sous toutes ses faces, le point dominant qui me préoccupait et qui cadrait le mieux avec ma qualité d’érudit et mon titre de membre de l’Académie des inscriptions. Je n’étais pas le premier qui eût conçu l’introduction de l’histoire en un lexique de la langue française. Voltaire en avait proposé une ébauche en conseillant de citer, au lieu d’exemples arbitraires, dés phrases tirées des meilleurs écrivains. Mais surtout Génin, amoureux de l’ancienne langue, recommanda de remonter délibérément jusqu’à elle, et de ne pas craindre d’y chercher des autorités. Je m’appropriai et l’avis de Voltaire et l’avis de Génin. J’en composai un plan original qui fut bien à moi. J’étais le premier qui entreprenais de soumettre de tout point le dictionnaire à l’histoire, exécutant l’œuvre, si j’avais force, patience et chance favorable.

Voyez, en effet, ce qu’est la chance. Bien plus tard, et quand j’avais déjà commencé l’impression, j’appris