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par des Germains. Les Ostrogoths, puis les Lombards tenaient l’Italie ; aux Visigoths appartenaient l’Espagne et la Gaule méridionale ; le reste de la Gaule était entre les mains des Burgundes et des Francs. Tout cela, étant équivalent, n’a aucune relation apparente avec l’évolution du latin. On ne dira pas non plus que des Gaulois aient été plus disposés que des Italiens ou des Ibères à saisir, dans la décomposition du latin, une transition qui se présentait, il est vrai, d’elle-même, mais qu’il était très facile de laisser échapper, témoin l’Italie et l’Espagne. Ni les variétés de Germains répandus sur le sol occidental, ni les différences ethniques entre les Italiens, les Ibères et les Gaulois ne rendent compte du fait. Suivant moi, la cause déterminante en est dans les circonstances géographiques et politiques.

Un fait isolé, à moins qu’il ne porte en soi sa lumière, est d’explication difficile. Mais, à mesure qu’on l’associe avec des faits qui ont même tendance, l’esprit devient plus capable de l’interpréter.

Nous venons de voir que c’est dans le latin vulgaire sous les Mérovingiens et dans les Gaules que se montrent les éléments de la déclinaison à deux cas, qui s’établit régulièrement dans la langue d’oïl et la langue d’oc, sans s’établir en autre part du domaine roman. L’érudition de ces derniers temps nous a simultanément appris que la grande création de poésie qui donne tout son caractère à la littérature du haut moyen âge est due aux gens de langue d’oïl et de langue d’oc. Les Français montrèrent, à ce moment, une singulière faculté de production épique en un genre sans précédent et sans modèle ; ils l’eurent alors et ne l’eurent pas depuis. On n’imputera donc pas à la race, à la natio-