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dans ces deux derniers pays, il se modifiait seulement dans la région gauloise ; et le nombre des cas, sinon dans la forme, au moins dans la fonction, y tombait de six à deux. Cette réduction, opérée dans la latinité des septième et huitième siècles, pouvait périr facilement, car elle n’était recommandée ni soutenue par aucune littérature qui parlât aux yeux et aux oreilles. Loin de là, tout ce qui écrivait s’efforçait, pauvrement il est vrai, de ressaisir l’ordre classique. Mais elle était fortement entrée dans la conception des rapports grammaticaux ; les populations gallo-romaines la retinrent depuis le bas-latin mérovingien jusqu’à l’éclosion définitive du vieux français et du vieux provençal ; et c’est ainsi que ces deux langues, jusque dans le quatorzième siècle, déclinèrent à deux cas leurs substantifs, et eurent, seules entre les langues romanes, ce que j’appellerai le moyen âge grammatical.

On a dit qu’avec les barbares la barbarie pénétra dans la langue ; mais, malgré la consonance des mots, ceci a besoin d’explications et de restrictions. Barbarie il y eut sans doute, en tant que la latinité classique s’altéra profondément ; et toutes ces altérations furent des barbarismes. Mais on a lieu de croire que les barbares y contribuèrent pour une petite part seulement. Au moment où ils arrivèrent en grandes masses, il y avait longtemps que le latin classique perdait de son empire, et que le latin populaire le modifiait selon les tendances mêmes qui devaient prévaloir dans les langues romanes. Tout ce qu’il est permis de dire, c’est que l’invasion barbare, en obscurcissant la tradition, en diminuant les écoles, en jetant les Germains à la tête des classes supérieures, donna, dans le latin vulgaire, la supré-