pouvaient être rendues par elle qu à l’aide de syllabes muettes dont le nombre est restreint ; et dès lors tout moyen lui était enlevé de distinguer suffisamment le passif de l’actif. Elle prit son parti, et, généralisant ce que le latin lui-même avait fait pour le prétérit (amatus sum est le parfait passif), elle se servit de l’auxiliaire être associé au participe passé pour donner à ses verbes la voix passive.
De cette façon on eut une conjugaison qui satisfit sans peine aux besoins de l’expression. Elle ne doit être jugée et estimée que par comparaison à son type, qui est dans le latin. Or, elle ne fait aucun déshonneur à ce type. Certes il était difficile de s’attendre à un résultat aussi favorable, quand on voit par des
textes irrécusables le point de dégradation auquel le latin était arrivé peu après le succès définitif de l’invasion germanique et sous les Mérovingiens. Le prochain article mettra sous les yeux du lecteur des échantillons de ce parler, qui paraîtrait du latin de fantaisie, si l’on ne commençait à y discerner des germes de ce qui sera tout à l’heure du français.
Tandis que la déclinaison, telle qu’elle était sortie
du remaniement primitif qui transforma le latin en
français, a péri, la conjugaison issue du même remaniement a conservé intact le caractère qu’elle
avait reçu tout d’abord et a subi non des changements de fond, mais seulement des changements
de forme. Cette perte de la déclinaison, qui arriva,
comme on sait, au quatorzième siècle, et qui frappa
la langue d’oc comme la langue d’oïl, établit une
différence très marquée entre l’archaïsme de ces
deux idiomes et celui des autres idiomes romans,
l’espagnol et l’italien. Tandis que l’ancien espagnol
et l’ancien italien n’ont avec le moderne de dissemblance qu’en mots et entournures qui ont vieilli ou
disparu, l’ancien français et l’ancien provençal sont
dissemblables de leurs représentants actuels par la
syntaxe même, l’usage des cas donnant à l’esprit une
impression et à la phrase une allure autres que
quand la distinction des cas n’existe pas.
En raison de ce caractère, on doit dire que le fran-