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VIERGES EN FLEUR

Philbert pensa : « L’aventure est plaisante ; moi, le fils de Don Juan, chez les nonnes : morbleu ! voilà le loup dans la bergerie, l’ennemi chez les vierges ! Rassurez-vous, mes sœurs, je ne chercherai pas à troubler vos cervelles, à semer dans vos chairs les ferments de passion. Je suis le pèlerin, épuisé et dolent, implorant le repos, et n’ayant qu’un désir : vivre très chastement, comme un anachorète, fuir le péché, durant quinze jours, enfin, se libérer même des tentations qui rongent aussi les moelles. Et mon ami l’abbé Le Manach n’aura pas à redouter qu’on lui ravisse sa mystique bonne amie. Mes forces sont à bout ; l’intrépide ennemi des vierges devient vierge lui-même.

Philbert fut accueilli par la supérieure, et se sentit troublé, honteux, déconcerté.

Il lisait dans les yeux de cette sainte femme une telle bonté, une telle grandeur, qu’il lui semblait commettre une mauvaise action, en venant mêler quelques jours de sa vie à l’existence douce et innocente des religieuses. Mais il secoua bientôt cette impression, et même eut pitié de sa faiblesse.

— Don Juan, se dit-il, n’eût pas eu ces scrupules. Il eût mis ce couvent à folie et à feu.

Pourtant, en circulant dans les escaliers vastes, d’une architecture simple et claustrale,