Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
VIERGES EN FLEUR

La lueur vermeille et pâle, versée par une lampe enfouie sous des soies, créait les tons féeriques d’un crépuscule d’automne. Michelle, couchée sur de lourdes toisons de brebis noires, parut à son amant comme l’évocation follement voluptueuse d’une mythologique prêtresse de Bacchus, enivrée par le vin et grisée par l’amour.

Sa poitrine gonflée des sucs de son été, tressaillait mollement ; ses hanches sursautaient, et ses cheveux coulaient sur la nacre des chairs.

La somptuosité charnelle de Michelle émerveilla Philbert. Il la compara à la grâce plus frêle de Jeanne, à la floraison mystique et diabolique d’Yvonne, et jugea que l’aînée était, mieux que ses sœurs, l’amante désirable pour l’ami qui s’éjouit une nuit, une seule, cueille la passion des corps vierges, n’a pas le temps de savourer aussi les joies de l’âme éprise. Mais cette préférence, qu’à cette heure il analysait et voulait s’expliquer par des psychologies raffinées, naissait surtout de l’inconnu de ce beau corps tentant.

Car Philbert aimait mieux la femme qu’on n’a pas encore possédée. Celle qu’il connaissait, dont il avait goûté la saveur et l’arome, fût-ce une seule fois, perdait son attirance et dépouillait son charme.