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VIERGES EN FLEUR

phrases incohérentes. Ce qui accroissait notre crainte, c’était le souvenir de mystérieuses histoires qu’on nous conta jadis, quand nous étions enfants, mais que notre père nous expliqua, en savant qui connaît les effets et les causes. Il paraît que des gaz asphyxiants, des souffles méphitiques se dégagent parfois dans ces vieilles salles abandonnées, et frappent de folie, on dit même de mort, les imprudents qui s’y aventurent. Mes sœurs et moi, avons pu constater en effet qu’on respire là-bas une ivresse accablante…

— Ivresse délectable, que je vais regretter désormais. J’aurai la nostalgie de ses troublantes joies. Je les veux, je les veux encore. Ah ! menez-moi dans ces salles, venez, venez, mesdemoiselles !

— C’était un rêve ! fit Michelle souriant.

— Le rêve alors vaut mieux que la réalité !

— Le réel est meilleur que le rêve, je crois ! fit Jeanne frissonnant.

Le scintillement des étoiles s’allumait dans l’azur sombre. La terre semblait morte, et la vie maintenant montait vers l’infini où palpitent les astres.

— Puisque notre aimable hôte désormais est valide, dit Yvonne, regagnons le château : le dîner nous attend.