Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
VIERGES EN FLEUR

Peut-être dans cette existence du rêve, nous sommes-nous maintes fois rejoints déjà, et bien aimés ! Oui, je te connaissais depuis longtemps, mon cœur ! La première fois que je t’ai vu dans les rues de Roscoff, ton visage de suite attira mon regard ; et j’eus la sensation que souvent déjà nous avions été l’un près de l’autre, et que nos yeux avaient mêlé des douceurs, des tendresses… Mais toi, tu ne m’as pas appris si je t’avais produit quelque impression de trouble, lorsque tu m’aperçus…

— Ce ne fut pas un trouble, mais un éblouissement. Depuis mon arrivée à Roscoff, j’étais ému par l’irréelle image de la reine d’antan. Je pensais que cette obsession n’était que le caprice d’un cerveau fantasque, éveillé par des ruines, par une ville, par un nom. Or, un soir que j’étais assis sur la terrasse de l’hôtel des Bains, contemplant le ciel et la mer, un être énigmatique : savant, mage, occultiste, ou liseur de pensées, m’annonça le lever radieux d’une étoile dont la douce clarté luirait bientôt sur moi. « Regardez vers l’Orient », me dit-il, souriant. À peine avait-il parlé que, dans la pâle lumière de la soirée, je t’aperçus, ô Reine-Marie, comme une revenante, seule, dans ton jardin, si belle sous le deuil de ton costume noir ! Et, de suite, mon cœur fut pris. Ou je