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VIERGES EN FLEUR

— Oh ! Dieu, quelle imprudence ! Seule, s’aventurer ainsi, c’était de la folie…

— Peut-être. Et, pardonnez, je me sens attirée de nouveau, ce soir, par ces ors irréels, ces gemmes illusoires ; oui, je voudrais encore aller plonger mes mains dans ce trésor de rêve. Oh ! dites, je le veux.

— Venez donc.

Lentement, la barque glissait. Philbert tenait les rames. Marie-Reine, à l’avant, immobile et debout, sa silhouette noire auréolée de rayons de lune, vision enchanteresse et vivante, ravissait le jeune homme et l’emportait au delà de la terre. Ils étaient seuls, tous deux, et le même frisson palpitait dans leurs cœurs.

— Oh ! que je suis heureuse, cette nuit ! murmura doucement Marie-Reine.

Philbert n’osa répondre.

Les paroles de la bien-aimée pénétraient en son cœur, y versaient leur ineffaçable douceur.

— Oui, dit-elle encore, je suis bien heureuse, cette nuit. Tout m’enchante, me ranime : cette mer qui nous berce, cette brise tiède qui nous enveloppe, cette lumière pâle, cet aspect féerique de la terre et de l’île. Et je suis étonnée, effarée : ma douleur, l’éternelle douleur appesantie sur moi, est toute dissipée… Quel charme m’a sauvée ? C’est l’étrange magie de l’Océan sans