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VIERGES EN FLEUR

Philbert voulait répondre. Mais l’angoisse, durement, étreignait sa gorge. Aucun mot ne sortit de sa bouche oppressée.

— Ah ! vraiment, fit la mère, tu as eu là, Marie, une singulière idée en choisissant ce jour, pour nous emmener à l’île de Batz. Vous, messieurs les marins, vous eussiez dû nous prévenir. Avec un vent pareil, que des hommes s’aventurent si cela les amuse ! Mais des jeunes filles, des femmes…

— On mange tous les jours ! répondit le patron. Que la mer soit calme ou furieuse, les petits à la maison demandent du pain. Puis, la bonne saison est trop courte déjà, s’il faut chômer encore, durant l’août et septembre, alors autant courir les routes et mendier.

— Rassurez-nous du moins. Dites-nous qu’il n’est pas de danger.

— Hé, bonne dame, sait-on jamais ? La mer est capricieuse et gourmande. On ne peut pas se fier à la mangeuse d’hommes.

Marie-Reine parla :

— Ne t’épouvante pas, ma mère. Que l’on meure aujourd’hui ou demain, qu’importe ! Songe donc, comme ce serait doux, si nous partions ensemble ; oh ! je n’ai pas peur, moi. J’aimerais la tempête qui briserait la barque, et mon désir l’appelle. Mer, mer, exauce-moi !…