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VIERGES EN FLEUR

buée lumineuse et palpable, lier sa bouche à la sienne, frissonner, soupirer.

Il vivait sa folie, en une tendre extase. Ses amours d’autrefois mouraient dans le lointain. Luce était oubliée maintenant, ainsi qu’une vision fugitive, éteinte depuis longtemps.

Les villas et les hôtels de Roscoff avaient, au déclin de cet été, de jolies floraisons de jeunes femmes, de jeunes filles. Parmi les géraniums grimpants aux grappes roses et les hortensias aux lourds panaches bleus, des têtes blondes, des têtes roses mêlaient l’éclat de leur sourire, la joie de leur beauté.

Mais Philbert ne voyait que la reine. Il passait, sans jeter un regard aux belles curieuses, étonnées par ce passant, qui prenait des aspects de chevalier d’antan, si peu semblable aux jeunes hommes vains et frivoles des plages, avec son air sauvage, sa mine hautaine et conquérante.

Il avait un costume noir de bicycliste ; le veston très collant et moulé sur son buste, la culotte ajustée, les bas fins, les souliers vernis. Il se coiffait d’un feutre noir, à larges bords. On eût dit qu’il portait le deuil de son amie, la gracieuse Marie fauchée par le bourreau.

Le jour, il se cachait dans les rochers, les regards fixés là-bas, sur la grande mer bleue où les