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VIERGES EN FLEUR

fendrai donc, ces chastes vierges en fleur…

— Non, l’abbé. À Paris, où vous irez bientôt, vous apprendrez comme moi, que leur miel est du fiel. Alors vous n’aurez plus ces douces ingénuités. Comme moi, vous deviendrez aussi l’ennemi des vierges, — mais le bon ennemi que je suis, qui lutte sans rigueur, ne frappe qu’avec des caresses, n’attaque qu’avec des baisers. Oui, je cèle ma rage sous une mensongère et sincère tendresse ! Même, à ces heures-là, ma haine se dissipe ; car la virginité disparaissant, c’est mon ennemie qui s’évanouit. Je n’ai plus dans les bras qu’une amie délicieuse, et maintenant je l’aime…

— Singulier amour, qui passe au bout d’un jour.

— Est-ce ma faute, à moi, si la femme perd son parfum sitôt qu’on l’a possédée ? Au lieu de m’attarder à vouloir retrouver cette fraîche senteur d’inconnu, de mystère, que l’amie nous apporte à l’aube d’un amour et qu’elle ne nous donnera plus jamais ensuite, je vais chercher une nouvelle fleur.

— Vous êtes un effrayant consommateur de vierges, une espèce de minotaure.

— J’en dévore très peu, mon cher abbé. Ces repas-là souvent manquent d’attraits. Et si je m’acharne à poursuivre les vierges, c’est pour