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VIERGES EN FLEUR

surveillé, traqué par la curiosité haineuse des gens.

— Oh ! les amoureux savent tromper les plus sûrs espionnages, déjouer la surveillance des vieux parents jaloux.

— Supposons en effet qu’avec la complicité propice de la nuit, de nos forêts pleines d’ombre, des roches qui se creusent en grottes solitaires, les amants se puissent joindre. Mais ensuite ? Les fruits du doux péché d’amour révèlent bientôt le baiser qu’on avait pu cacher.

— Vous êtes d’un autre siècle. En celui-ci, on ne fait plus d’enfants.

— On en fait encore : voyez !

Le train s’était arrêté à la station de Chatelaudren. Une douzaine de marins, natifs des villages voisins, après un congé, quittaient le pays, retournaient à la mer. Silencieuses, farouches en leurs muettes douleurs, quelques jeunes femmes, au ventre gonflé par la maternité prochaine, après l’adieu se tenaient le visage caché dans leurs mouchoirs.

— Les pauvres créatures ! s’écria Philbert. Voilà que leurs hommes s’en vont, sur les océans, pour des années, peut-être pour toujours. Comme elles maudissent ce train funèbre. Et des enfants naîtront dans cette tristesse, sans le baiser du père, en débarquant au monde… Ah ! c’est beau