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VIERGES EN FLEUR

— Ces douleurs, cher abbé, sont — croyez-moi — des joies.

— C’est horrible ! Je sens des feux et des déchirements dans ma poitrine.

— Votre cœur n’est donc pas un sépulcre glacé, une tombe où ne gît qu’un mort, un cimetière ! Souffrir, être broyé, torturé, ah ! c’est vivre ! Je souhaite parfois ces angoisses, ces affres que je ne connais plus ! Oh ! souffrir ! Oh ! gémir ! Sentir là quelque chose qui saigne et se révolte ! Regardez-moi, l’abbé : trois jours se sont passés depuis notre séparation : et j’ai eu trois amours. Trois vierges, s’il vous plaît. D’adorables maîtresses. Leurs baisers furent doux, leurs caresses capiteuses : je devrais, ayant perdu ces délices, me sentir des regrets plein le cœur, des larmes plein les yeux…

— Et vous ne pleurez pas… parce que vous n’aimez pas.

— Je ne fais que cela : même je me surmène !

— Non, non, l’amour n’est pas la confusion des chairs ; mais le frémissement et l’assomption des âmes !

— Tiens ! la phrase est jolie…

— Vous vous moquez.

— Non pas… Nous oublions, l’abbé, la consultation. Parlez, je vous écoute.

— Je vous prie de vouloir bien observer Luce,