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DOUCES AMIES

Un matin enfin, parmi les lettres qu’on m’apportait, je reconnus le papier bleu et l’écriture nerveuse de Suze. L’enveloppe venait d’Alger… Je brisai le cachet.

« C’est moi. Ta pauvre Suze. Ton petit amour du printemps passé, que tu as peut-être oublié déjà !… As-tu pleuré un peu la Suze… l’as-tu maudite ?… Qu’as-tu pensé de moi quand tu ne m’as plus revue ? Que je ne t’aimais plus ?… Non, non, tu savais bien et tu sais bien encore que Suze ne peut pas vivre sans t’aimer, mon bonheur… Elle t’aimera toujours et te pleurera sans cesse. Mais toi, n’y pense plus. Je veux que tu sois heureux… Si tu as souffert, mon grand ami, c’est la faute à la vie ; je ne suis pas coupable, crois-moi… Si j’avais pu !… Lorsque tu m’as crié — t’en souviens-tu encore — « Sois à moi, toute à moi ! » je ne comprends pas encore comment j’ai eu la force de ne pas céder à la tentation du bonheur !… Sans doute, à ce moment, une force mystérieuse, plus forte que moi et que toi, m’a attirée vers les deux petits êtres qui attendaient leur maman, vers l’homme loyal et bon que j’allais te sacrifier… Je suis allée à eux. Je t’ai laissé mon cœur… Mon chéri, mon chéri… Si nous étions restés près de Paris, la Suzette eût été, tant que tu l’aurais voulue, ta petite chose, ton doux joujou… Vois comme