Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
DOUCES AMIES

comme elle nous semblera pâle et tiède notre pauvre et tressaillante tendresse quotidienne !…

Ce matin-là, j’attendais Suze, devant les portes de la gare. Caché dans une voiture, je la guettais parmi le flot des foules. Je l’aperçus enfin ; j’entr’ouvris la portière ; elle se précipita, un peu inquiète, et pendant un instant promena ses regards sur les gens qui passaient, comme pour voir si elle n’était pas suivie, Puis, se tournant vers moi, avec un sourire tendre, elle murmura :

« Allons ! »

Nous devions passer toute cette journée à nous aimer ; la veille j’avais reçu une lettre brève, dont les lignes enchevêtrées et les lettres irrégulières, trahissaient une émotion violente ; elle ne contenait que quelques mots, j’avais été même étonné du style rapide, nerveux de ma bien-aimée…

Comme la voiture s’ébranlait, Suze m’entoura de ses bras câlins, et de suite elle me donna sa bouche. Ce fut un baiser dévorant et délicieux. Toute sa passion coulait, en ce moment, sur ses lèvres. Jamais encore elle n’avait été si amoureuse, si frémissante. Sa gorge martelait ma poi-