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DOUCES AMIES

Et ce fut un instant de divine assomption. Nous nous étreignions avec une furie suprême. Nos bras se resserraient comme des étaux, nos bouches se dévoraient ; mais nos cœurs, mieux encore accomplissaient le miracle de la communion d’amour.

Est-il possible, après de pareilles extases qu’on se retrouve, meurtris, les ailes cassées, au milieu d’un monde hostile et dépouillé de toute joie, de toute beauté.

À cette heure effroyable, le plus humble de nous connaît l’immense douleur légendaire des Titans précipités de l’Olympe vers les abîmes, des anges vomis par Dieu, de l’Adam et de l’Ève expulsés de l’Éden, rejetés sur des terres arides et désertes…

Le train s’était arrêté. Et Suze aussitôt, tout effarée, avait pris son manteau, posé à la hâte la mantille sur ses cheveux.

Une détresse inexprimable enténébrait ses beaux yeux que l’amour tout à l’heure illuminait…

— Mon chéri, mon moi, mon tout, fit-elle — et sa voix maintenant, n’était qu’un sanglot triste — laisse-moi vite partir… surtout ne me suis pas… promets-moi de m’obéir… jure-le… Ta bouche encore !…

Et nos lèvres refusaient de se séparer.