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DOUCES AMIES

pulpes des sucs plus délicats. Je m’acharnais à les faire jaillir, en rares et précieuses gouttelettes, qui me versaient ainsi la plus délectable, la plus subtile des ivresses. Les lèvres et la langue se fondaient en ce miel délicieux qui est la nourriture sacrée des bien-aimants…

— Comme je t’aime, cette nuit, me dit encore Suze !… Il me semble que nous sommes unis éternellement, que nos corps et nos âmes ne peuvent plus jamais se séparer…

Et tristement, elle reprit :

— Pourtant, dans un instant, la vie mauvaise va nous désunir…

Elle rouvrit ses yeux. Des larmes en coulaient.

— Si tu savais, me dit-elle, comme je serais heureuse, si quelque catastrophe subitement nous broyait en ce moment… Nos âmes, au même moment délivrées, s’envoleraient vers quelque paradis, car la mort, mon aimé, n’est pas la fin de tout !… Oui, oui, si le bon Dieu m’écoute, oh ! qu’il m’exauce. Même s’il faut souffrir cruellement dans sa chair, pour atteindre cette éternelle félicité que je souhaite, j’accepte des supplices et des déchirements… Prends, prends ma bouche encore !… J’ai le pressentiment qu’un train se jette sur nous…