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DOUCES AMIES

Brusquement, je sautai dans une voiture, je la suivis.

Elle descendit, à la gare Saint-Lazare, monta les escaliers.

Enveloppée dans un grand manteau de velours noir, sa tête encapuchonnée dans une mantille, elle se hâtait. Elle traversa les quais, prit le train de Versailles.

Je la vis dans son compartiment de première. Elle était seule.

On fermait les portières : le train allait partir.

J’allai m’asseoir près d’elle.

— Suze !… Suze ! Mon adorée…

— Mon bien-aimé… Toi ! toi !…

Ses yeux me souriaient, ses bras déjà s’ouvraient. À ce geste, le manteau avait glissé ; et le buste de Suze jaillissant, dans sa splendeur rosée, trahissait l’émotion par des battements fous !

— J’étais à l’Opéra, lui dis-je… je t’ai suivie…

— Oh ! fit-elle, c’est mal et je suis fâchée, vraiment très fâchée. Vous êtes un curieux, monsieur, et je ne vous aime plus.

— Un curieux, protestai-je, non, non, Suze. Je suis un amant qui t’adore ; et sans réfléchir, je me suis précipité à ta poursuite… et tu vois, j’ai bien fait, puisque je te possède, puisque je suis heureux !…