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DOUCES AMIES

Tu me repoussais. L’une de tes mains défendait encore ta beauté contre mon audace, tandis que l’autre me cachait tes yeux, tes grands yeux bleus où les dernières épouvantes de ta pudeur s’étaient rassemblées.

— J’ai honte, me disais-tu, j’ai honte à cette heure, j’ai très honte, monsieur.

Je prolongeais avec délices cette lutte suprême, Je t’adorais ainsi, un peu craintive encore, pourtant palpitante, à demi pâmée, m’attirant et m’évitant tout à la fois. Mes yeux insatiables se nourrissaient de ta pure beauté ; ils admiraient le chef-d’œuvre de la gorge, la splendeur et la perfection de tes bras, de tes épaules, de tes hanches ; la ligne sinueuse des flancs, serpentant, se renflant, puis se mourant enfin dans le fusèlement délicat des chevilles. Tu me paraissais une irréelle vision passant dans un rêve de nuit et sous les clartés lunaires, fuyante, insaisissable… Et cependant saisie, miraculeusement atteinte, à moi !…

Oh ! l’instant trois fois saint de la communion d’amour s’accomplissant enfin, solennelle et sublime ! L’exaltation puissante nous élève alors vers le ciel entr’ouvert, notre esprit s’affranchit des tristesses de la terre, s’éperd dans l’allégresse du divin prodige… On meurt pour revivre, en plein paradis. De criminels blasphémateurs ont