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DOUCES AMIES

exigeant inutilement une sagesse impossible… Vous aviez honte, me disiez-vous, et votre pudeur sincèrement s’affirmait sur vos joues plus roses, sur votre gorge aussi, maintenant plus vive et plus agitée… J’étais à genoux, pieusement, les mains jointes sur le merveilleux autel d’amour dont vous étiez le marbre palpitant et sacré. Et les baisers pleuvaient, de ma bouche dévote, baignaient la bien-aimée, s’éployaient de la tête aux pieds, comme une nappe chaude, avalanche humide, tombée d’en haut, et se renouvelant en ondées d’orage… Toujours agenouillé, je fus bientôt rejeté de l’extase par l’heure jalouse, tintée sourdement à la pendule, et qui sonnait la séparation. Car, brusquement, vous vous étiez redressée, hâtivement revêtue dans la pénombre que vous aviez faite, en entrant, avec les tentures de la fenêtre… Nous ne parlions pas… Je me révoltais, avec une rage monstrueuse, contre le temps qui fuit si vite, aux heures bienheureuses… et je savourais encore le goût délicieux de votre chair trop tôt ravie…

Et pourtant ma rage se fondit, lorsque prête à partir, vous êtes venue me presser bien fort dans vos bras, la bouche souriante, les yeux plus clairs !… Car, en effet, votre tristesse s’était enfuie ; et c’était moi, moi qui avais enfin noyé