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DOUCES AMIES

vissait ainsi des minutes de tendresse, et je ne pus vous céler ma rancœur :

— Méchante, oh ! la méchante, qui si près de moi, est en même temps si loin, et refuse de s’abandonner, aux heures si brèves qui nous rapprochent, et s’ennuie sans doute ici, regrette déjà d’être venue, espère l’instant trop vite accouru de nous séparer !…

Vous m’avez répondu :

— Il ne faut pas, ami, condamner ma tristesse… Je voudrais tant être joyeuse, oublier, oublier… Hélas ! je ne puis ; et auprès de vous l’irréparable me ressaisit… Vous ne savez pas que ma vie est brisée !… Pardonnez-moi, n’est-ce pas, cette incurable mélancolie… et ne refusez pas, à la pauvre amie qui l’implore, le baume attendri de votre affection… Oui, je comprends, je vous ennuie et ne suis pas l’amie que vous avez souhaitée… Il vous fallait une petite femme gaie, radieuse, ayant la rage d’enlacées sensuelles, très chatte et très gourmande… Vous avez une pleureuse… Pauvre cher !

Suze bénie, j’ai cherché sur vos cils une perle tremblante qui se formait lentement, je l’ai bue, et je vous ai dit :

— Ma douce, je ne suis pas, oh non, le très égoïste amant que vous me croyez… Certes, ce m’est une joie infinie de frissonner, à l’approche