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DOUCES AMIES

prêt à le défendre, contre le monde entier…

Et peut-être aurions-nous, ce jour-là, brisé toutes les chaînes, peut-être vous seriez-vous affranchie de ces lions qui vous appellent loin de moi. Mais un rien, un rire, une grimace — le grain de sable qui fait dévier les existences, barre les chemins de son fragile et ridicule obstacle — effara notre exaltation.

À quelques pas se dressait un chalet, coquette construction de décor norwégien, aux murailles frêles et vernies de pitch-pin léger ; et de la fenêtre un homme nous regardait, un géant presque, de fière stature, aux regards souriants… Vous avez tressailli, honteuse et craintive, et nous avons fui.

Puis, soudain, vous retournant vers la maison de bois, et n’y voyant plus l’ogre apparu, vous vous êtes écriée :

— Ah ! la jolie, jolie cabane !

Je répondis étourdiment :

— Oh ! cette chaumière, la transporter en une forêt, y vivre seul, seul, seul !

Vous m’avez regardé :

— Seul ?…

— Seul !

— Oh ! le monstre, le méchant ! Voyez comme il m’aime… Il veut vivre seul… Et moi ?…

Je n’ai pas répondu, chère aimée, la galante