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DOUCES AMIES

Et je crus alors, de toute ma foi, à l’aveu sincère, éclos dans la tristesse, fleuri dans la douleur… Mes doutes mauvais d’hier gisaient désormais en des fosses profondes. Je croyais, chère âme, je croyais en vous !

Vous me dites encore :

— Il me semble, ami, que j’étouffe dans cette voiture… j’aimerais à marcher près de vous, appuyée sur votre bras.

Le cocher nous avait conduits, en longeant la Seine, jusqu’au Champ-de-Mars. Nous descendîmes dans le grand parc, solitaire à cette heure… Et nous avons rôdé, jusqu’à midi, par les allées sinueuses qui serpentent à travers les gazons et se perdent en d’étroits bosquets dont les arbustes offrent asiles aux amoureux.

Les effluves des pelouses et des plantes nous grisèrent. Nos ivresses se mêlèrent. Votre bouche s’entr’ouvrit et j’y bus le parfum affolant de votre chair, fouillant la rose corolle pour exprimer les suaves essences, mordant les lèvres et le frémissant pistil de votre langue qui, maintenant, ne se refusait plus.

Mais l’heure bientôt vint rompre le charme… On vous attendait. Une rage nous convulsa. Oh ! déjà se séparer, déjà s’en aller du paradis d’amour. Et je vous prenais, menaçant, entre mes bras, voulant conserver mon cher trésor, et