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DOUCES AMIES

Je vous considérais, attristé par votre tristesse, jouissant de votre peine… Oui j’étais bien heureux, ô très chérie, de constater que ma petite Suze souffrait, et ne s’efforçait pas à me dissimuler les tourments de son cœur. Je comprenais qu’une lente et douce communion, mieux que des baisers, mieux que l’étreinte nous unissait, puisque vous vouliez bien me laisser entrevoir un coin de votre cœur, et m’en révéliez les ravages, m’accordant ainsi la confiance qui ne se donne pas à l’amant qui passe, qu’on réserve à l’ami.

Peu à peu, votre douleur entrait en moi, m’étreignait délicieusement. Il me semblait que, tout doucement, l’angoisse s’échappait de votre âme, s’insinuait en la mienne, et que j’allais vous guérir ainsi en aspirant le poison mystérieux qu’un reptile inconnu avait distillé dans vos veines, et que je recueillais, moi, dévotement, pour vous sauver.

Tout à coup vos yeux rencontrèrent les miens, et ce fut le miracle que j’avais imploré… La plaie se referma, et je vis, en effet, que le venin s’exhalait, fuyait enfin vos douces mirettes, illuminées maintenant et revivifiées. Vos mains m’attirèrent passionnément vers votre gorge, et ce murmure de gratitude tomba :

— Jean, Jean, je vous aime, je vous aime beaucoup !