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DOUCES AMIES

qu’à ses lèvres je bois l’unique joie, le délectable enivrement ?…

VII

Ce matin-là, ma bien-aimée, vos grands yeux que j’aime s’emplissaient de tristesses ; vous vous taisiez, je n’osais parler… Je vous sentais si loin de moi !…

Un autre aurait tenté, sans doute, de dissiper votre mélancolie ; il vous aurait distraite, étourdie, par des bavardages : ses paroles d’abord vous eussent énervée ; mais bientôt vous auriez pris plaisir aux fantaisies joyeuses, aux propos amuseurs. Et la nuée sombre de vos yeux limpides se fût évanouie et fondue en un rire peut-être reconnaissant.

La voiture nous emportait, au hasard — hasard banal, soumis aux turpides fantaisies du cocher, qui modérait l’allure lasse de sa rosse fourbue, suivait des quais solitaires, convaincu qu’il remorquait un cabinet particulier où nous perpétrions quelques outrages à la morale qui met son nez partout, même dans les fiacres clos, sous les stores abaissés…