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DOUCES AMIES

disais : oh ! comme je la chérirai, moi, comme je la bien-aimerai…

Mais le doute s’abat… Comédies, comédies !… C’est une coquette, peut-être pis… Qui sait ; avant de livrer enfin à mes rages sa Chair resplendissante, ne me contera-t-elle pas que sa couturière la tourmente pour une note non soldée, une misère, vingt-cinq louis, truc habituel de ces dames du monde qui sont parfois de petites bourgeoises perverties, mais plus souvent de très vulgaires marchandes d’amour, dont la nuit s’estime cinq louis, lorsqu’elle est débattue froidement, selon les lois de l’offre et de la demande.

Chère Suze, pardonnez-moi cet abominable sacrilège… Pardonnez-moi ce doute, que vous ne connaîtrez jamais, car cette page sera brûlée, cette page qui vous indignerait et figerait justement en vos yeux cette tendresse sincère qui les illumine, en qui je crois de toute mon âme, quand vous êtes, très aimée, près de moi !

Pardon ! Pardon !…

Mais le doute est atroce… il entraîne nos cœurs dans les fanges les plus noires ; il salit nos idoles, il assassine nos dieux !…

C’est en vain que je me débats contre son emprise. Il surgit à toute heure et me jette en l’esprit ses murmures ironiques :

— Oh ! le fat ! oh ! le sot !… Regardez-vous