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DOUCES AMIES

vrai, elle consentit à s’enfermer en une voiture, et là du moins, elle me fit l’offrande savoureuse de ses lèvres, de toute sa bouche ; mais l’autre hier, quand je voulus l’entraîner vers l’hôtellerie propice où nos caresses se seraient épanouies, elle eut, en son regard, un dur et repoussant refus… Si vraiment elle m’aimait, ne serait-elle pas venue ?… Nul doute… elle s’acharne, la menteuse, à bien aiguiser mon Désir, pour être alors la Toute-puissante qui, sans aimer, règne et gouverne… ce n’est pas un amant qu’elle veut, c’est un esclave… Ah ! la perfide, ah ! l’habile…

Et je blasphème…

Chère Suze que je croyais la sincère amoureuse, tu es sans doute l’aventurière ou la professionnelle. De toi je ne sais rien, ne voulus rien savoir. Lorsque tu me disais en riant : Mais vous ignorez quelle femme je suis ! je répondais : Vous êtes celle que j’adore… Et quand tu murmurais : Ami l’heure est venue, il faut que je vous quitte… il le faut… mes absences peut-être éveilleraient des soupçons… je n’ai jamais demandé quel Maître se dressait entre nous ainsi, pour t’arracher à mon amour ! De vagues indices, des paroles obscures m’avaient formé la conviction que ta vie était liée à Un qui ne l’avait pas comprise et ne s’était pas assez dévotement agenouillé devant l’adorable créature d’amour… et je me