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DOUCES AMIES

sions… Et tel l’anatomiste qui s’écrie, après la dissection des muscles, des viscères : où donc est l’âme humaine ? et la nie, moi, je cherche l’amour parmi les phrases rigides, les verbes éteints ; je ne l’y revois plus.

Le doute, comme une chauve-souris, s’abat sur mon crâne, déploie ses ailes visqueuses, enveloppe mon esprit… Suze, Suze, je ne crois plus… non, vous ne m’aimez pas, et mon extase vous indiffère… vous êtes une comédienne, vous me leurrez de vaines espérances, vous vous amusez à me bien enjôler, vous devenez peu à peu la maîtresse mauvaise et capiteuse qui aveugle l’ami — symbolique Dalila, dont je suis le triste Samson… — Mais pourquoi cela, pourquoi ?…

Plus je m’acharne à dévoiler l’énigme que se révèle ma bien-aimée, et plus je m’enlise dans les horreurs du doute.

Non, non, elle ne m’aime pas…

Pourquoi m’aimerait-elle ?…

Je ne suis ni l’époux, ni l’amant… je suis l’inconnu, celui qui passe… Depuis un mois, chaque semaine elle m’accorde une après-midi, quelques heures vite écoulées… mais elle a soin de me fixer ses rendez-vous en un musée, en un jardin, où nos mains à peine peuvent se joindre, se presser furtivement… Une fois ou deux, c’est