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DOUCES AMIES

C’est sans doute la nostalgie de ce charme qui fait plus tard nos liaisons si peu constantes… on s’acharne inutilement à ressusciter ce délicieux moment… Il ne renaît plus. L’amour, comme un astre, accomplit son évolution, s’attarde encore en des phases bénies… mais il est vain l’espoir de faire rétrograder l’étoile qui s’est allumée au crépuscule, pour jouir une seconde fois du prime rayon, et de l’incertain scintil révélé timidement dans l’azur assombri.

Et c’est pourquoi sans doute nos âmes inquiètes, avides de ce frisson à nul autre comparable, s’évadent des fournaises passionnelles, se libèrent des chaînes enchantées, veulent savourer encore l’ivresse de cette minute — la plus troublante, l’inoubliable !

En ce regard, les âmes subitement se reconnaissent, se livrent, se donnent. C’est un spasme fulgurant, et d’une telle violence que les forces défaillent et se fondent en une torpeur exquise, durant laquelle s’annihilent et se pervertissent toutes nos facultés. Le plus éloquent alors semble muet et ne peut exprimer sa joie… les paroles meurent sur les lèvres paralysées… et nul mot humain ne serait assez superbe pour exalter l’amour. À quoi bon du reste, puisque le cœur, à cette minute, s’est révélé ; puisque les tendresses se sont liées ?… En vos yeux, Suze