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DOUCES AMIES

ses premiers regards, jusqu’à l’instant où, par de douces paroles et de tendres caresses, j’endormirai ses yeux hostiles et lui apparaîtrai transfiguré comme l’Aimé, la vision de son rêve et de son désir ?…

À la table du Cercle, où la routine m’a conduit, je m’indigne contre les nourritures coutumières qui souillent notre bouche et la pestifèrent… j’insulte presque le valet qui vient me déclarer, très aimable, que ce matin le roquefort est parfait… Je voudrais des confitures de roses, de ces mets de sultanes qu’on grignotte dans les harems. Un ami m’offre un cigare, authentique Flor de Habana ; il sait que je les adore, et s’étonne de mon refus : il me croit malade, remarque en effet que je suis pâle, très nerveux, surexcité…

Dès une heure, je suis au Louvre, dans la salle des antiquités d’Égypte, et je relis la petite lettre de la Désirée… C’est ici que je vais la voir, la voir pour la première fois !…

Et je m’émerveille de l’idée non banale qu’elle eut de choisir cet endroit ; mon esprit bat la campagne. Ce choix m’indique déjà que ma petite Suze est une créature originale : une autre m’eût fixé un café peu fréquenté, une station de voitures où vite on trouve refuge en un fiacre fermé, voire une église… La Chère amie, que je