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DOUCES AMIES

j’implorais votre lèvre humide, et vos dents aiguës se desserrant un peu !

Onze heures : secouons le rêve stérile. La réalité, plus charmeuse peut-être, accourt. Vite, je rentre en mon nid de garçon.

Je hais les costumes de coupes excentriques, aux couleurs brutales qui s’harmonisent ridiculement avec les sombres décors de nos cités et de nos maisons. Les femmes, je le sais, apprécient les tenues épinglées et chic, et nous jugent souvent d’après notre mise… Trop sévères, nos vêtements nous emprisonnent en de raides allures de notaires ; trop fantaisistes, ils nous métamorphosent en rastaquouères. Nul art, aucune fantaisie ne se drapent dans nos disgracieux pantalons, nos correctes redingotes, nos grotesques chapeaux haut-de-forme. On ne peut cependant endosser un travestissement de bal masqué pour aller à un rendez-vous.

Que c’est laid un homme, en défroque dix-neuvième siècle, et comme les femmes sont indulgentes, quand elles consentent à nous chérir !

On s’attarde devant les glaces, à déplorer ce lamentable aspect, cette laideur masculine ; on s’acharne à la corriger un brin, en retroussant les pointes des moustaches, en lissant ses cheveux. Et l’on s’épouvante. Ne lui déplairai-je pas trop ?… Saurai-je vaincre l’examen inquiet de