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DOUCES AMIES

comme les plus altiers, magnifier notre tristesse aux apothéoses du Baiser, cette fleur de la Chair, son éclat, son parfum.

Aux moites vapeurs de l’étuve, ma chair se purifia, se régénéra, perdit les dernières traces des amours défuntes, s’assouplit et conquit cette sensation vague qu’on s’affranchit des liens pesants et lourds, qu’on est prêt désormais aux hardies escalades, aux envols vers les cîmes.

Un esclave, plus soumis par l’appât du pourboire contemporain que par la terreur des fouets antiques, manipula mes membres, fortifia les articulations paresseuses par de savants massages, et me parfuma de mousses odoriférantes, selon la formule des doctes Orientaux nos maîtres en hygiènes voluptueuses.

Durant la demi-heure de repos, alangui sur les coussins, je songeais à la bien-aimée ; dans les rayons d’azur et de roses que filtraient les verrières, des formes indécises m’apparaissaient, et c’était la vision d’une silhouette idéale, de ma petite Suze, de mon rêve d’amant : tantôt un bras, tantôt un sein, une jambe, une croupe frissonnante, une chevelure déroulée…

Et je fermais tes yeux, les lèvres tendues pour boire un baiser qui tomberait vers ma bouche, dans une coulée magique… Ah ! petite Suze, comme à cette heure je vous désirais, et comme