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DOUCES AMIES

entre mes mains ses jolis petits doigts ; et qui sait, peut-être aussi cueillir un baiser exquis sur ses lèvres fraîches, au pied des Sésostris et des Sennacherib qui nous contempleraient dans les salles désertes des reliques d’Égypte, de leurs yeux impassibles qui, depuis quarante siècles, regardent…

Rapidement, je sautai hors du lit, je me vêtis à la hâte ; un fiacre m’emporta vers le hammam.

Comme la femme, l’homme qui aime a ses coquetteries. Il a beau se dire que le corps est une grossière et matérielle enveloppe, il a souci de sa loque charnelle ; vraiment il a raison, car nos yeux ne sont pas assez clairvoyants encore pour transpercer la couche extérieure, percevoir la beauté du cœur et de l’esprit. Certes, un jour luira, dans quelques siècles, où les âmes aimantes se verront, à travers la transparente écorce, s’admireront, s’aimeront sans nul souci des performances physiques. Et l’amour alors sera transfiguré, il s’élèvera au-dessus des contacts d’épiderme et des frissons sensuels.

Mais cet âge d’or que nous espérons, que nous pressentons pour nos petits-fils, ne doit pas nous prostrer et nous annihiler en ses prestigieux mirages. Il faut vivre la vie du siècle, Jouir de la beauté de cette vie, de l’unique qui est l’amour, avec tous nos organes, les plus humbles