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DOUCES AMIES

— Tu as raison, mon adorée.

Traversant la place de l’Opéra, j’aperçus mon ami Mortier. Il vint à moi, et me prenant la main :

— Ah ! mon ami, je te retrouve enfin !… Si mademoiselle veut bien le permettre, j’ai quelques mots à t’adresser, en particulier.

Riquette pâlit, hésita un instant, puis lâchant mon bras, s’écartant un peu :

— Volontiers ! répliqua-t-elle. Ne vous gênez pas.

Alors Mortier parla. Il voulut me donner des conseils :

— Tu es un fou ! À ton âge, il faut renoncer à ces liaisons dangereuses. Tu t’es ruiné. Quand tu n’auras plus un sou, ta maîtresse te lâchera. Pense à la pauvre femme, qui a passé sa vie avec toi et que tu as condamnée au douloureux isolement de la vieillesse. Retourne chez elle ; la pauvre femme ne demande qu’à pardonner… Sois raisonnable, enfin…

Furieux, je m’éloignai :

Riquette voulut déjeuner et dîner dans des restaurants très modestes.

J’étais, au fond, ravi de cette transformation. Je ne reconnaissais plus la Riquette frivole et écervelée des premiers mois de notre liaison.

Nos babils édifiaient les châteaux en Espagne