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DOUCES AMIES

— Non, non… nous n’aurons pas le temps de nous ennuyer… Le jour, s’il nous arrive de ne savoir que faire, nous nous coucherons… et au lit, est-ce que j’ai l’air de m’y embêter ?… Ah ! mon chéri, comme on s’aimera… toujours, toujours… la nuit et le jour… Comme ce sera bon d’être tranquilles, de n’avoir pas à penser à toutes les misères de la vie ; ah ! comme je te serai reconnaissante de m’avoir arrachée à cette vie atroce et ignoble, pour quoi je n’étais pas née !… Ah ! j’ai eu du malheur, va, depuis le jour où je t’ai connu. Auparavant, certes, je n’étais pas riche, je menais une vraie vie de bohême : mais tu sais, j’étais une fille honnête… rappelle-toi… je t’ai résisté durant des semaines, et je ne me suis donnée à toi que le jour où j’ai senti que je t’aimais… Oh ! je sais… j’ai fait des bêtises ensuite, des choses que je déplore. Je t’ai causé de la peine souvent. Mais, je le jure, je n’étais pas aussi coupable que tu pouvais le croire… Non. Cette existence, trop belle, que tu m’avais faite brusquement, m’avait grisée… puis, au théâtre et au concert, on est entraînée malgré soi. C’est fatal, inévitable. On vit au milieu de la plus affolante prostitution ! C’est abominable. Mon pauvre chéri, je n’étais plus Riquette, ta petite Riquette aimée… Ah ! quand je pense à ces mois de débauche, de saoulerie, je pleure, je suis navrée…