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DOUCES AMIES

aux petites phrases nerveuses, je la voyais déjà, telle que plus tard je l’aperçus, adorable, exquise, enjôleuse, avec des yeux qui ensorcellent, une bouche qui affole, irrésistible et enchanteresse, mon rêve, mon idéal, mon amour…

Souvent encore, dans ce jardin d’extase où j’ai vécu plus tard et qu’Elle avait paré des fleurs les plus merveilleuses de la passion, j’ai évoqué cette première journée d’aube encore indécise et d’amour entraperçu, cet instant enchanté où la petite lettre m’apporta l’espoir tendre ! Une joie délicieuse m’avait envahi. Je marchais par les rues, rayonnant, transfiguré. Mes amis me demandaient quelle bonne fortune m’irradiait soudainement. Immensément heureux, je ne pouvais dissimuler mon allégresse. J’aime ! J’aime criais-je comme un fou, dans l’ombre du crépuscule. J’avais les fiertés et les belles allures du jeune homme qui, pour la première fois, a dormi chez une femme !

Et c’est toujours ainsi, à chaque aurore d’une neuve passion !

Les tendresses abolies s’évanouissent. Il ne reste plus rien de tous les baisers d’hier, aujourd’hui éteints.

Chaque printemps d’amour nous refait une virginité.